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Après des résultats exceptionnels en 2021, la filière du recyclage s’inquiète de l’avenir. En cause, d’après la Federec, fédération professionnelle des entreprises du secteur : les incertitudes qui pèsent sur l’économie, mais aussi des évolutions réglementaires.

Le 8 novembre, à Bercy, Federec, Fédération professionnelle des entreprises du recyclage, présentait les chiffres de l’activité du secteur en 2021, ainsi que les perspectives pour les deux années suivantes. Au total, le recyclage regroupe 2 450 établissements répartis sur l’ensemble du territoire, qui représentent 32 600 emplois. Si le secteur s’est concentré avec 22 % des effectifs salariés dans cinq grands groupes, 13 % d’entre eux sont employés par des groupes régionaux, et 65 % demeurent dans des PME et TPE.

La situation du recyclage, présentée par François Excoffier, président de Federec, pourrait évoluer fortement. En effet, après une année 2021 « rebond », selon ses termes, «le contexte géopolitique actuel, l’inflation et la crise énergétique font peser un grand nombre d’incertitudes sur l’économie en général, et sur les filières de recyclage en particulier, dépendantes à la fois de l’offre et de la demande », explique-t-il. « Il est très difficile de faire des prévisions pour 2023 », confirme Thierry Cochet, président de Federec métaux non ferreux. Pour lui, en effet, les baisses ou suspensions de production industrielle peuvent causer une diminution de la demande de produits recyclés. Mais ce même ralentissement de la production peut induire une pénurie de déchets, et donc, une hausse des prix des produits recyclés et transformés…

Par ailleurs, la situation peut évoluer de manière différente selon les filières. Par exemple, celle papiers-cartons devrait voir l’ouverture d’usines l’an prochain. C’est le cas d’un nouveau site de production né du rachat de l’usine d’Alizay (Normandie) par le groupe VPK. Néanmoins, Stéphane Panou, président de Federec papiers-cartons s’attend à des « difficultés », avec baisse des prix et des commandes de papetiers. Autre situation spécifique, celle du plastique : « les perspectives de 2023 peuvent sembler ternes, noires, mais on peut peut-être être un peu plus optimiste. En France et en Europe, des investissements ont été réalisés. Aujourd’hui, nous avons plus les moyens qu’avant de tenir quelques temps avec nos usines », estime Christophe Viant, président de Federec plastiques.

Au delà des aléas liés aux incertitudes géopolitiques et économiques, le secteur redoute aussi des difficultés générées par l’évolution du cadre légal de l’activité. En effet, de nouvelles mesures sont attendues pour 2023, pour plusieurs filières. Au niveau européen, la révision de la directive relative aux DEEE, déchets d’équipements électriques et électroniques, devrait bientôt démarrer. En France, c’est le dispositif légal de la REP, Responsabilité élargie du producteur, qui prévoit la mise en place d’éco-organismes par les producteurs, pour financer ou organiser la prévention et la gestion des déchets issus de ces produits en fin de vie, qui est en cause. Dans le textile, le dispositif va évoluer. Et il devrait être implanté dans le bâtiment. Or, déjà, « nous avons un sentiment d’inquiétude sur la place des REP dans notre activité », pointe François Excoffier. « Quelques lignes rouges sont franchies » estime le président de la Federec qui promet des réponses, y compris judiciaires. En effet, pour la fédération, « l’évolution et la constitution de nouvelles REP plus commerciales que financières mettent aujourd’hui en péril » l’industrie du recyclage.

Des « chiffres excellents »

Au vu des difficultés redoutées, 2021 promet de rester longtemps dans les mémoires comme un cru exceptionnel pour le secteur du recyclage. Ce fut une « année dynamique », avec des « marchés porteurs avec des volumes importants et des cours très hauts pour plusieurs matières » qui ont généré des « chiffres excellents », souligne François Excoffier. « Pour la première fois, nous avons passé la barre des 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires, en atteignant 10,8 milliards d’euros, après une croissance de 42 % par rapport à 2020. Ce résultat est l’effet de la double augmentation de l’activité et des prix », précise Manuel Burnanddirecteur général de Federec. Les différentes filières ont bénéficié de cette croissance hors normes. Celle du métal, par exemple, a collecté 12,9 millions de tonnes de matériaux, soit 15 % de plus qu’en 2020. L’évolution de la vente de matériaux recyclés a suivi une tendance comparable. Résultat, le chiffres d’affaires de la vente de matière hors prestations a atteint 2,7 milliards d’euros, soit 62 % de plus que l’année précédente. « C’est le résultat de la hausse du tonnage vendus et de la hausse des prix », confirme José de Azevedo, président de Federec métal. Le secteur des métaux non ferreux (aluminium, inox, cuivre…) a suivi la même évolution, précise Thierry Cochet, avec un chiffre d’affaires de 3,9 milliards d’euros en 2021 (+ 60 % par rapport à l’année précédente).

Pour ce qui est du tonnage collecté, il a atteint 2,05 millions de tonnes, soit 21 % de plus qu’en 2020. En terme de prix, les records sont historiques : + 45 % pour l’aluminium et + 19 % pour le cuivre. Même tendance dans les autres filières, comme le papiers-cartons, boosté par le e-commerce, qui a dépassé le milliard d’euros (+ 95%) ou le plastique, dont le chiffre d’affaires a augmenté de 79,7 %, atteignant 260,6 millions d’euros.

Cependant, les tendances record de 2021 se sont estompées en 2022, année marquée par un retour à une situation plus normale dans l’ensemble du secteur du recyclage, en termes d’activité et de prix des matériaux. Par exemple, pour le papiers-cartons, « au premier semestre, la filière est restée sur sa lancée. Mais sur le second, le contexte est beaucoup plus défavorable », commente Stéphane Panou. Christophe Viant estime que l’activité de recyclage du plastique est sur une « logique de rééquilibrage à la fin de l’année 2022 ». Après avoir atteint des prix inédits en 2021, le cours de la matière s’est écroulé au cours de l’été 2022.