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Le nombre de déchets déposés illégalement dans la rue reste élevé à Paris. La vidéoverbalisation est testée dans le 18e.

La vidéoverbalisation au service de la propreté ? Depuis septembre, une expérimentation est menée dans le 18e arrondissement : sur un site tenu secret, des caméras de rue saisissent les numéros d’immatriculation des véhicules de personnes effectuant des dépôts sauvages. Les images sont analysées a posteriori par les agents de la direction de la prévention, de la sécurité et de la protection, désormais policiers municipaux. Permis par une loi de 2019 qui renforce le pouvoir de sanction des collectivités locales en la matière, et par une loi de 2020 de lutte contre le gaspillage et pour une économie circulaire, ce dispositif doit être également testé dans quatre villes de Plaine Commune (93) – Saint-Denis, Aubervilliers, Stains et La Courneuve –, avec le déploiement de caméras nomades d’ici à l’été. Avant sa généralisation prochaine ? Sans doute pas, tant il lui reste à faire ses preuves : « Aucune verbalisation n’a encore été faite face à la difficulté d’identifier l’auteur à coup sûr », concède-t-on ainsi à la mairie de Paris. Fiabilité technique – l’équipement nécessite un réseau téléphonique de qualité –, problèmes de visibilité, véhicules garés hors champ… Les axes de progression restent nombreux. En attendant, les dépôts sauvages de déchets perdurent.

Des cartons sur les trottoirs

En 2019, ils représentaient encore 34 % du million d’enlèvements d’encombrants effectués par les services de la Ville. Un chiffre qui ne baisse pas depuis 2016 « malgré un dispositif “grand luxe” – vous prenez rendez-vous en ligne, et le lendemain ou quarante-huit heures plus tard, les encombrants sont enlevés au pied de l’immeuble. Difficile de faire mieux ! », comme le souligne Helder De Oliveira, directeur de l’Observatoire régional des déchets d’Île-de-France (Ordif). Et de préciser : « Il y a eu une incontestable amélioration depuis vingt ans, mais on semble avoir atteint un plafond de verre. » Ce service s’ajoute aux neuf déchetteries, deux Points tri, cinq remorques Trimobile – collectant petits déchets électriques, cartouches d’encre et produits dangereux – et 12 ressourceries/recycleries éparpillées dans Paris intra-muros.
Comment dès lors expliquer que les résultats soient encore « peu satisfaisants […], les encombrants continuant d’augmenter malgré la verbalisation plus systématique des dépôts sauvages [plus de 50 000 contraventions établies chaque année depuis 2017] », selon le rapport d’observation de la Chambre régionale des comptes (CRC) d’Île-de-France consacré à la gestion des déchets dans la capitale et publié le 23 mars ?
« C’est en partie la faute aux nouvelles pratiques de consommation, la vente en ligne en tête, estime Hervé Guillaume, coordinateur de l’Association des villes pour la propreté urbaine (AVPU). Les livraisons à domicile ont explosé, les colis encombrent les poubelles jaunes et certains cartons d’emballage se retrouvent donc sur les trottoirs. » Les 200 adhérents, villes ou communautés d’agglomération, de l’AVPU sont tous confrontés à une constante augmentation des dépôts sauvages : +  12 % entre 2019 et 2021. Autre responsabilité pointée du doigt, celle d’une partie des artisans et professionnels du bâtiment peu scrupuleux. La CRC le rappelle, les dépôts sauvages sont « majoritairement constitués de gravats déposés dans les arrondissements situés à proximité du périphérique ».

L’idée d’une pédagogie choc

Entre 2017 et 2019, les amendes en lien avec les dépôts de déchets de chantier ont ainsi été presque multipliées par trois : 1 814 en 2017, 4 661 en 2019. Un constat étayé par Helder De Oliveira, de l’Ordif : « Depuis l’apparition du statut d’auto­-entrepreneur, les dépôts sauvages ont augmenté. La profusion d’offres a sans doute participé à la multiplication de petits travaux de rénovation à domicile, et donc à une hausse des déchets produits. Mais, surtout, la concurrence est telle, les marges si basses que ces derniers n’ont ni le temps ni les moyens de payer les frais de mise en déchetterie. » Une circonstance atténuante pour les artisans et entreprises du BTP : ces derniers n’ont aujourd’hui pas accès aux déchetteries parisiennes, débordées par le traitement des ordures des particuliers. Le tonnage des déchets occasionnels (encombrants, déchets verts, déblais et gravats) jetés par les habitants de la capitale – signalés en pied d’immeuble, en déchetterie ou illégalement – a en effet augmenté de 31 % entre 2015 et 2019. Dès lors, pour éviter l’abandon de gravats dans la nature, une « filière à responsabilité élargie » des producteurs pour les déchets du bâtiment doit émerger dès cette année. Permettant à terme un réseau d’exutoires gratuits pour les professionnels. Du côté de l’AVPU, on estime aussi que Paris pâtit de son « sur-service » : « Ça laisse à penser que peu importe où et comment on dépose ses encombrants, ils seront rapidement traités. » Alors, pour faire la chasse aux tas d’immondices, l’association propose une action choc, mais à visée pédagogique – qui devrait faire bondir les adeptes du #SaccageParis sur les réseaux sociaux, souvent prompts à dégainer une photo de tas de sacs-poubelles dans la rue – : il s’agirait de « les laisser un ou deux jours à la vue de tous en rubalisant les lieux pour les signaler comme “scènes de crime” et de rappeler le montant de l’amende encourue [135 euros] ».

Source : lejdd.fr