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Recycler nos déchets, c'est devenu une nécessité. Y compris s'agissant de nos déchets nucléaires. En tout cas, des chercheurs y travaillent. Et ils proposent aujourd'hui de réutiliser une partie des déchets produits dans les anciennes centrales nucléaires pour fabriquer des batteries... presque éternelles !

Le carbone 14 (14C) se forme à partir d’atomes d’azote 14 (14N) présents dans la haute atmosphère. Mais le 14C se forme aussi de manière plus artificielle. Au cœur de certains réacteurs nucléaires. Or, le carbone 14 est radioactif. C’est un avantage pour le 14C naturel. Les scientifiques l’exploitent d’ailleurs depuis longtemps pour dater toutes sortes d’objets. Des œuvres d’art aux fossiles. Mais lorsqu’il est question du 14C produit dans les centrales nucléaires, c’est plutôt un inconvénient. Parce que même si sa radioactivité est « faible », sa durée de vie est longue. De l’ordre de 5.700 ans. De quoi faire du carbone 14 un déchet radioactif embarrassant.

Et c’est justement alors que le programme de démantèlement des plus anciennes centrales nucléaires du Royaume-Uni venait de commencer que des chercheurs de l’université de Bristol se sont demandé s’ils ne pouvaient pas trouver une solution pour réemployer ce carbone 14. Car selon eux, la quantité de 14C à recycler dans les dix à quinze prochaines années serait énorme. Le recycler permettrait de réduire considérablement la radioactivité du matériau restant. Ainsi que la durée et le coût des opérations de démantèlement. Ce que les chercheurs envisagent, c’est d’extraire le carbone 14 des blocs de graphite issus des anciens réacteurs nucléaires pour en faire des diamants artificiels. Quel intérêt ? Transformer ces diamants radioactifs en batteries… presque éternelles ! Parce que le diamant peut se comporter comme un semi-conducteur. Un peu comme le silicium qui permet de produire de l’électricité photovoltaïque à partir de l’énergie reçue du soleil, le diamant produit de l’électricité bêtavoltaïque à partir de l’énergie émise par la désintégration radioactive du 14C.

Pour fabriquer des diamants artificiels, les chercheurs comptent classiquement sur un procédé dit de dépôt chimique en phase vapeur. À température élevée, il permet de faire croître un film de diamant à partir d’un mélange de plasma d’hydrogène et de méthane. Les chercheurs de l’université de Bristol l’ont adapté pour pouvoir faire croître des diamants radioactifs en utilisant du méthane contenant l’isotope radioactif du carbone qui se trouve sur des blocs de graphite de réacteur irradiés. Le diamant utilisé dans les batteries est ainsi constitué de fines couches de gros grains cristallins. Une structure également conçue pour empêcher les fuites de rayonnement et minimiser le danger pour la santé humaine. « Les particules bêta de carbone 14, bien qu’énergétiques, ne voyagent pas très loin. Ces particules étant encapsulées dans une matrice dense, la probabilité que la batterie émette un rayonnement d’une manière qui pénétrerait la peau humaine devient négligeable », promettent les chercheurs.

 

Encore des progrès à faire

Mais n’espérez tout de même pas là la solution miracle à la fois à nos problèmes de gestion des déchets nucléaires et à nos problèmes de production d’électricité. Notamment parce que ces batteries au diamant radioactif sont bien moins efficaces que les autres. La capacité de stockage d’une pile AA, par exemple, est de l’ordre de 700 joules par gramme (J/g). Celle annoncée d’une batterie au diamant radioactif serait d’environ 15 J/g. Toutefois la première s’épuise en un jour seulement alors que la seconde peut tenir près de 6.000 ans avant que le courant produit soit divisé par deux.

Autres atouts des batteries au diamant radioactif : leur petite taille et leur robustesse. Elles tiennent dans moins d’un centimètre cube. Et elles ne sont sensibles ni aux hautes températures — elles peuvent supporter jusqu’à 700 °C –, ni à l’humidité, ni aux environnements corrosifs. De quoi imaginer les utiliser pour alimenter de petits détecteurs ou des implants médicaux, par exemple. 

 

Une société basée en Californie a déjà annoncé il y a quelques mois avoir mis au point des prototypes de telles batteries nucléaires. De son côté, Arkenlight, la société qui travaille au développement industriel de l’idée des chercheurs de l’université de Bristol espère commercialiser un premier produit dès la fin 2023. D’ici, les ingénieurs vont travailler à associer plusieurs batteries en une seule cellule qui, équipée d’un petit supercondensateur, pourrait permettre d’améliorer les performances du système. Pour aller, pourquoi pas, jusqu’à alimenter un smartphone.Et d’autres batteries de ce type pourraient voir le jour également dans les mois à venir. Toujours des batteries qui compteraient sur la radioactivité. Des batteries radiovoltaïques. Comme celle aussi imaginée par les chercheurs de l’université de Bristol qui convertirait cette fois le rayonnement gamma en électricité. Des systèmes fonctionnant à partir de la radioactivité ambiante dans certains environnements et qui pourraient alimenter des détecteurs dans des dépôts de déchets nucléaires, par exemple.